EVOLUTION GEODYNAMIQUE DE LA CHAINE ALPINE

     En faisant une excursion dans les Alpes, nous trouvons différents témoins de l'histoire géologique de cette région : une sédimentation contrastée à une époque donnée et une tectonique en extension, témoignant d'un rifting ; des ophiolites indiquant l'existence d'un océan ; un métamorphisme de HP, témoin de la subduction, des plis et chevauchements, indices de la collision et, bien sûr, les reliefs actuels ...

     A l'aide de tous ces indices, nous pouvons essayer de reconstituer un scénario, un schéma de l'évolution géodynamique des Alpes. Un schéma simplifié et simpliste ... qui n'a pas la prétention d'être la vérité vrai ! Dans le détail, d'autres solutions sont possibles.

Au Trias, à la place des Alpes, un Rift Continental ; au Lias, le Domaine Briançonnais est émergé (coloré en rouge).
CSA = Chaînons Sub-Alpins.

Au début du secondaire, en Europe Occidentale, la chaîne hercynienne est totalement aplanie et les reliefs sont très modestes. Au Trias, la sédimentation est essentiellement détritique, parfois évaporitique avec une passée marine épicontinentale : c'est le Trias Germanique. On distingue toutefois un Trias Alpin formé de massives barres de calcaires et dolomies de plateforme : c'est le début du rifting continental, prélude du futur océan alpin (ou ligure) et de la dislocation de la Pangée.

Entre 165 et 120 Ma, c'est l'expansion océanique.
AA = Austro-Alpin
(Marge Ligure)

Entre 165 et 120 Ma (?), s'ouvre l'océan ligure qui n'a sans doute pas été très large (800-1000 km ?) entre l'Europe et l'Apulie (Italie), promontoire plus ou moins solidaire de l'Afrique. La lithologie des ophiolites suggère que la vitesse d'expansion devait être faible : entre 0.5 et 2 cm/an.

La géométrie des marges continentales, tant européenne qu'apulienne était complexe. Celles-ci mesuraient plusieurs centaines de km de large. Sur la transversale Grenoble-Briançon, un haut fond : le domaine Briançonnais, en bordure de l'océan (domaine piémontais) est séparé de la plateforme continentale européenne (les actuels chaînons sub alpins) par un large domaine continental subsident : le domaine dauphinois, découpé en blocs basculés. Plus au Nord (Tarentaise, Col du Petit St Bernard), cette marge européenne est coupé par le domaine valaisan, petit océan (200-300km de large ?) qui s'est ouvert à partir de 135-100 Ma. Plus au Sud, la marge continentale semble avoir été beaucoup plus étroite (par ex. en Corse),

Sur la marge apulienne, on distingue l'Austro-alpin en position actuelle de nappe sur le domaine océanique piemontais. Ces nappes austro-alpines de plusieurs km d'épaisseur et de plusieurs centaines de km de flêche sont bien représentées dans les Alpes Orientales, mais absentes des Alpes Occidentales. Dans les Alpes Centrales, il ne subsiste de ces nappes austro-alpines que le lambeau (=klippe) de la Dent Blanche qui porte le Cervin. Le Sud alpin est la partie non impliquée de cette marge dans la chaîne alpine.

Entre 110 et 45 Ma, l'océan ligure se referme ...
Roches sédimentaires (en gris) et Socle granitique et métamorphique (en orange) hérité de l'orogène hercynien, sont distingués. D=Domaine Dauphinois, B=
Domaine Briançonnais (Marge Européenne), P=Domaine Piémontais (Croûte Océanique), SB=Sud Alpin (Marge Ligure).

Entre 110 et 45 Ma, l'océan ligure se referme. La croûte océanique est subduite : elle est métamorphisée dans les conditions des faciès Schistes Bleus et Eclogite. En avant de la fosse, des flyschs se déposent dans des Bassins Flexuraux. Ce sont, dans un premier temps (au Crétacé), les flyschs à Helminthoïdes, puis (à l'Eocène) les flyschs des Aiguilles d'Arves.


La subduction de la marge européenne (vers 45 Ma) précède la collision ...

Après disparition de l'océan, la marge continentale européenne amincie est entrainée à son tour dans la subduction. Des portions de lithosphère continentale peuvent être entrainées jusqu'à de grandes profondeurs : c'est ce dont témoigne la présence de coesite dans le Massif Cristallin de Dora Maria, en Italie. La coesite, ce polymorphe de très hautes pressions du quartz, indique que la croûte continentale de Dora Maria a été enfouie à plus de 90 km de profondeur.

La collision proprement dite débute aux alentours de 35 Ma. Les nappes ophiolitiques, métamorphisées (Queyras, Viso) ou non (Chenaillet) à l'alpin viennent reposer sur le Domaine Briançonnais de la marge européenne. Dans les Alpes Centrales et Orientales, les nappes austro-alpines, morceaux de croûte continentale ligure, viennent, à leur tour, surmonter les nappes ophiolitiques piémontaises.


... qui se poursuit aujourd'hui ...
(FP= front pennique, limite entre les zones externes et les zones internes, Qu=Queyras, V=Viso, DM=Dora Maira)

La collision se poursuit ; la croûte continentale est largement déformée : la déformation se propage vers l'extérieur de la chaîne. Elle atteint les chaînons sub-alpins. Ce sont plis, failles et chevauchements dans les zones externes. Dans les zones internes, des roches profondes sont exhumées très rapidement : croûte continentale de Dora Maira, croûte océanique du Viso et du Queyras, ... L'activité sismique dans les Zones Externes témoigne que la convergence se poursuit, avec des vitesses de raccourcissement évaluées à quelques mm. par an.

Figures modifiées de l'article de Debelmas (1983), La Recherche, Vol. 20, p.1543-1552.

Voir l'article de Le Meur et al., la Recherche, juin 2003, p.30-37, mais aussi la magnifique page de G. Stampfli de Lausanne.

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