- Refroidissement syn-tectonique de la granodiorite de Rosas
Au SO de la presqu'ile du Cap Creus, la granodiorite de Rosas (Roses en catalan) montre de beaux affleurements en bord de mer.
Remarque : Notons que la majorité des plans photographiés dans cette page sont horizontaux.
Bel affleurement à proximité du phare de Rosas, au sud de la ville dans la direction des petites Canyelles.
La granodiorite est une roche magmatique granitoïde, constituée majoritairement de minéraux leucocrates : quartz, feldspath alcalin et plagioclase et peu de minéraux ferromagnésiens qui sont essentiellement de la biotite et de la hornblende. La caractéristique est un rapport Pl/Falc élevé. Voir la classification de Streckeisen.
Granodiorite et nombreuses enclaves basiques
Le mélange de magma granitique (d'origine de la croute continentale) et de magma basaltique (d'origine mantellique) peut être à l'origine des granodiorites.
On trouve des enclaves basiques dispersées (2 sur la figure ci-dessous) dans la roche ou en filons (3 sur la figure) :
Filon d'enclaves basiques dans la granodiorite
La figure ci-dessous montre l'injection d'un magma basique dans un magma granitique (acide) à différentes étapes du refroidissement des roches, lorsque la viscosité des magmas augmentent. Le magma basique se met en place dans un magma granitique plus ou moins cristallisé.
Mélange de magmas basique et acide
Au cours du refroidissement, les deux magmas se mélangent de façon homogène à hautes températures (stade 1), puis le magma basique forment des enclaves dispersées dans la roche acide lorsque la viscosité augmente (stade 2). La forme sphérique ou ellipsoïdale témoigne d'un mélange de magmas (comme la vinaigrette de la salade !). Au stade 3, les enclaves restent à proximité de la fissure d'émission du magma basique dans la roche acide largement cristallisée. Au stade 4, le magma basique se met en place sous la forme d'un filon dans la roche acide complétement cristallisée.
Sur la photo ci-dessous, deux enclaves dioritiques, entre les stades 1 et 2, sont partiellement homogénéisées à leur bordure :
Homogénéisation des bordures de 2 enclaves basiques
A noter que les nombreux filons d'aplite (granite hololeucocrate, c-a-d ne contenant pratiquement que des minéraux leucocrates, feldspaths et quartz) se mettent en place à ce stade 4 dans la granodiorite complétement cristallisée.
On remarque que ces enclaves basiques, plus ou moins claires selon leur degré d'homogéisation avec le magma acide ont une forme elliptique (ellipsoïdale en 3 D) et orientées : cette roche est déformée de manière ductile et les enclaves visualisent l'ellipse(oïde en 3D) de la déformation. La photo suivante témoigne que cette déformation s'est faite à l'état magmatique ...
En effet, cette enclave est "déchirée" (à gauche du crayon) et la déchirure est remplie de granodiorite apparemment non déformée : la déformation s'est réalisée au stade encore (tardi-)magmatique.
En regardant plus en détail la granodiorite, nous remarquerons, sur le terrain, que les minéraux sont très discrètement orientés, en particulier les minéraux ferromagnésiens, amphibole et biotite.
Nous observons également des zones de déformation plus localisées (2 photos ci-dessous), ce qui témoigne de la poursuite de la déformation lorsque la roche a totalement cristallisée. La déformation est de plus en plus localisée au cours du refroidissement.
La déformation observée est sous le régime de cisaillement simple. Le décalage du filon d'aplite témoigne d'un déplacement sénestre. C'est le cas majoritaire sur le site où les cisaillements dextres sont l'exception. La déformation se répartit sur quelques centimètres à quelques mètres. Le cisaillement est donc ductile.
Ce déplacement sénestre (facilement défini grâce au décallage du filon d'aplite) est confirmé par une observation fine des relations S-C conformément au schéma.
Ci-dessous, la zone bien déformée entre les deux lignes de tirets est délimitée par deux zones de cisaillement de sens opposée. Ceci est visible grâce au filon d'aplite décalé dans le sens dextre à gauche et sénestre à droite.
Dans la zone la plus déformée, les enclaves basiques, avec moins d'un centimètre de large et plus d'un mètre de long, présentent des rapports L/l de plus de 100/1 :
Les enclaves sombres sont étirées sur plus d'un mètre de long, témoignant d'un deformation importante.
e
Sur cette surface, le petit filon blanc est décalé selon un plan C parallèle au stylo et à l'allongement de l'enclave basique noire. L'allongement de l'enclave matérialise, nous le voyons sur ce schéma , la schistosité S. Ainsi C et S sont parallèles et, dans ce cas, il se développe une surface discrète C' qui plonge vers la gauche.
Ces plans C' sont bien visibles lorsqu'ils traversent une enclave comme sur la photo ci-dessous :
Lorsque la température diminue, la déformation se localise sur quelques millimètres ...
... pour n'être, ensuite, plus représentée que par des fractures. Sur la photo ci-dessous, un système de 2 fractures conjuguées dessine un X. Remarquons que l'orientation dans la granodiorite (parallèle au crayon) est compatible avec l'orientation de l'allongement maximum (= axe d'étirement X) contemporain des fractures (voir pour comparaison ici): les axes de la déformation restent à peu près identiques pendant tout le refroidissement de la granodiorite, depuis son stade (tardi-) magmatique.
Un petit graben découpe un filon blanc d'aplite
Deux fractures conjuguées, plaquées de chlorite, délimitent un diédre.
Les deux régimes de la déformation : cisaillement pur - cisaillement simple
On définit deux régimes de la déformation que l'on peut simplement illustrer par les schémas suivants :
Déformé, un carré en 2D (un cube en 3D) et le cercle (une sphère en 3D) qu'il contient se transforme en un rectangle (parallélogramme en 3D) et une ellipse (un ellisoïde en 3D).
Sous un régime de cisaillement pur,
... les axes de l'ellipse (ellisoïde en 3D) de la déformation X (direction d'allongement) et Z (direction de raccourcissement) ne changent pas d'orientation.
Sous un régime de cisaillement simple,
... les axes de l'ellipse (ellisoïde en 3D) de la déformation X (direction d'allongement) et Z (direction de raccourcissement) changent d'orientation au cours de la déformation.
Sur ces schémas en 2D, l'axe X matérialise la trace de la schistosité. On remarque que le plan de cisaillement (marqué par la flèche) et le plan de schistosité (matérialisé par la direction X) font un angle qui varie lors de la déformation progressive : conformément à ce dessin et celui-ci.
En 3D, le 3ème axe Y est perpendiculaire au dessin ; le plan XY définit la schistosité S.
Sur cette figure, le cisaillement est dextre (comme à Cap Creus) ; la figure est inversée lorsque le cisaillementl est sénestre (comme dans la granodiorite de Rosas décrite dans cette page).
Voir aussi les cisaillements tardifs, les plis en fourreau, les pseudotachylites au Cap...
Et parmi ces cisaillements, voir aussi les failles normales ductiles.
Voir aussi le métamorphisme de BP-HT au Cap.
Retour à la Photothèque, au Cours de Métamorphisme, de Pétrologie Endogène ou bien à la première page ?