- Influence de la Déformation et de l'Eau sur la Recristallisation Métamorphique - l'exemple du Cap Creus -

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    Le Cap Creus, en Espagne, est situé à l'extrémité orientale des Pyrénées, à proximité de la ville de Cadaquès. Un site particulièrement agréable, avec entre autres, l'omniprésence de Dali ! Et géologiquement passionnant !

Carte du Cap Creus d'après J. Carreiras

Le Cap Creus appartient à la Zone Axiale hercynienne de la chaîne pyrénéenne. Il est presque exclusivement constitué de métapélites et pegmatites

Le contraste lithologique est net au Cap entre les métapélites sombres et les pegmatites blanches

    Les métapélites sont métamorphisées dans les conditions d'un gradient de HT-BP avec la succession des minéraux typiques biotite, andalousite, cordiérite (qui forme de petits ballons de rugby), sillimanite. On atteint localement les conditions de l'anatexie produisant des migmatites à grenat (en noir sur la carte ci-dessus). Mais à l'exception de ces zones anatectiques, la muscovite est stable dans ces roches. Celles-ci montrent 3 surfaces tectoniques : 2 foliations S et une surface de cisaillement C (d'orientation NO-SE). On remarque, sur la carte ci-dessus, que l'isograde de la sillimanite (ligne noire) est décalé par ces cisaillements dextres.

Près de la Cala Culip, métapélites et pegmatites sont découpées par des cisaillements dextres

Le métamorphisme est prograde au cours des deux premières phases de déformation, tandis que les cisaillements accompagnent la rétromorphose.

Les cisaillements délimitent des boudins dans lesquels les conditions métamorphiques (relativement) précoces sont préservées

Ce sont ces relations déformations-recristallisation que nous allons discuter ici.

Des tâches de cordiérite et andalousite contiennent une foliation interne parallèle à la S. Ceci suggère que ces minéraux sont contemporains de cette foliation.

Les tâches d'andalousite contiennent une foliation interne sub-parallèle à S1 et sont entourées par une foliation de crénulation S2.

Par contre, ces minéraux sont enveloppés par la surface 2 qui porte de la fibrolite.

Les cristaux d'andalousite marquent la S1 "horizontale" et sont enveloppés par la S2 qui porte de la sillimanite fibreuse (fibrolite) - Microphotographie en LPNA de 3mm env. de large.

Ceci suggère que le pic du métamorphisme coïncide avec la deuxième phase de déformation. (voir le diagramme ci-dessous)

La transition polymorphique andalousite-sillimanite se réalise dans le plan de foliation S2 sur la photo suivante. Ceci suggère l'influence de la déformation sur la recristallisation métamorphique.

L'andalousite poecilitique en gris se transforme en sillimanite
Microphotographie en LPNA de 3mm env. de large.

La muscovite se développe de manière statique sur la foliation S2 au détriment de la fibrolite.

Les plages brillantes de Muscovite se développent sur la foliation.

Ceci est bien démontré par la taille de ces nouveaux cristaux (plus gros que ceux développés au cours de la déformation) et l'orientation des plans de clivages qui sont parfois perpendiculaires à la foliation.

La Muscovite post-cinématique de la S2 se développe sur la sillimanite (Microphotographie LPA)

Cependant, celle-ci est déformée dans les cisaillements : dans ce cas, elle est anté-cinématique de la déformation qui a produite les cisaillements.

(Microphotographie LPA)

La figure suivante résume les relations entre les minéraux et les différentes phases de déformation :

Ce que l'on peut exprimer sur le diagramme suivant :

Ainsi, la déformation favorise la recristallisation de nouvelles phases et la disparition de phases précoces. Ce sont dans les zones les moins déformées (1 et 2) tardivement que la paragenèse est la mieux préservée. Cependant, dans ce domaine, la transformation polymorphique And=Sill se réalise dans le plan de foliation, démontrant le rôle de la déformation sur la cinétique de la réaction. De la muscovite se forme à la faveur de circulation de fluide (voir ci-dessous). Par contre, dans les cisaillements tardifs (3 et 4), les minéraux précoces (andalousite, sillimanite et muscovite) disparaissent.
  

Attardons nous maintenant sur la transformation de la sillimanite en muscovite ... Nous avons noté plus haut que la muscovite était stable dans les métapélites. Ainsi, la déstabilisation de la sillimanite ne se réalise pas par la réaction Sill + Fk + V = Musc + Q. D'autre part, on remarque que la muscovite statique tardive est abondante à proximité des pegmatites.

Les pegmatites sont associées à un réseau de fractures qui guide parfois la mise en place de celles-ci :

Ces fractures sont bordées sur quelques centimètres d'épaisseur, de tourmaline provenant de fluides métasomatiques libérés par les pegmatites lors de leur cristallisation.

Ce sont ces fluides qui sont sans doute à l'origine, par fracturation hydraulique, des fractures.

Ces fluides métasomatiques, libérés lors de la cristallisation de la pegmatite, ont favorisé la déstabilisation de la sillimatite au cours d'une "réaction de lessivage" (=leaching reaction) de la forme

3Sill+3Q+2K+3H2O=2Musc+2H.

Jordie Carreiras, de l'Université de Barcelone, montre que les pegmatites se mettent en place tout au long de la déformation (et du métamorphisme). En effet, malgré un texture grenue pegmatitique, quelques indices démontrent le caractère syncinématique de ces roches magmatiques. On remarque que les baguettes de tourmaline ont une une orientation préférentielle qui est parallèle à la linéation minérale dans les métapélites :

Les Tourmalines sont orientées et parfois tronçonnées dans la direction de la linéation minérale des métapélites. Ces deux photos sont prises selon 2 plans perpendiculaires : le plan ZY (photo de gauche) et le plan ZX (photo de droite) de l'ellipsoïde de la déformation.

Voir aussi les cisaillements tardifs, les plis en fourreau, les pseudotachylites au Cap...

La suite, ce sont, parmi ces cisaillements, des failles normales ductiles .

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