Après avoir construit un point invariant dans un système à un constituant chimique, puis deux, nous allons maintenant fabriquer une grille dans un système à 3 constituants chimiques et l'utiliser pour résoudre un problème pétrologique.
On a recueilli sur le terrain 6 échantillons de roches métamorphiques contenant les paragenèses suivantes :
1 – Spr - Q - Sill | 2 – Spr - Q - Opx | 3 - Q - Opx - Sill |
4 - Cord - Opx – Sill | 5 – Opx – Spr – Cord | 6-Opx-Spr-Sp |
En utilisant un diagramme approprié , nous allons vérifier si ces échantillons proviennent de la même zone métamorphique et si la différence de minéralogie est liée à la composition chimique des roches . Il faut pour cela, placer les paragenèses dans le (ou les) diagramme(s) approprié(s). En application de la règle des phases , on se souvient que les paragenèses correspondent à des assemblages divariants.
Les compositions des minéraux de ces paragenèses sont :
Q (quartz) : SiO2 | Sill (sillimanite) : Al2SiO5 | spr (saphirine) : |
Opx (orthopyroxène) : (Mg,Fe)SiO3 | crd (cordiérite) (Mg,Fe)2Si5Al4O18, nH2O | sp (spinelle) : (Mg, Fe) Al2O4 |
Les constituants chimiques sont Al2O3, SiO2, MgO, FeO, H2O. MgO et FeO entrent dans la composition des minéraux ferro-magnésiens (solution solide Mg,Fe) : on peut simplifier en utilisant le pôle pur magnésien de ces minéraux. La cordiérite est une phase qui peut être soit hydratée, soit anhydre. En considérant ce deuxième cas, on peut négliger le constituant H2O. Les trois constituants restants : Al2O3, SiO2, MgO et les minéraux peuvent être représentés dans un triangle :
Pour d'un point invariant, ce sont 5 minéraux qui interviennent (cf. la Règle des Phases). Choisissons 5 minéraux sur les six cités : quartz, sillimanite, saphirine, orthopyroxène, cordiérite. Le point invariant portera le nom de la sxième phase absente : le spinelle. Ce sera le point invariant [Sp].
On relie les différents minéraux par des lignes de liaison (voir aussi la Représentation Graphique des Paragenèses des Roches Métamorphiques). Différentes combinaisons sont possibles qui définissent autant de champs divariants de l'espace P-T. Nous obtenons 4 solutions (si le spinelle n'intervient pas dans les réactions), 4 triangles correspondant à 4 champs divariants séparés par autant de lignes (=équilibres) univariantes.
Les 6 roches ont des compositions chimiques variées, puisqu'elles se placent dans différents sous-triangles qui définissent différentes paragenèses. Elles se situent chacune dans l'un des 4 triangles, suggérant donc des conditions d'équilibres (P-T) variés, à l'exception de la roche 6 qui a une paragenèse qui existe dans les 4 triangles.
Les 2 lignes de liaison qui se remplacent mutuellement (voir les lignes de liaison) : Opx - Sill / Q – Saph entre les triangles 3 et 4 indiquent que l'équilibre univariant séparant ces 2 triangles est spr +q = opx+sill (crd) : c'est la réaction cordiérite absente. De même, entre les triangles 1 et 2, on écrit l'équilibre opx+sill=spr+crd (q). Entre les triangles 3 et 1 et 4 et 2 apparaît une nouvelle phase : la cordiérite ; les réactions sont respectivement : opx+sill+q =crd (spr) et spr+q=crd (opx, sill). Dans ce dernier cas, les 3 phases sont co-linéaires et ni Opx, ni sillimanite n'interviennent dans cette réaction. On appelle de telles réactions des réactions dégénérées. Remarquons qu'elles font intervenir une phase en moins (dans le cas présent : 3 au lieu de 4).
A partir de ces réactions, on peut dessiner le point invariant [Sp] dans l'espace PT en tenant compte de la règle des demi-plans ; connaissant les paramètres thermodynamiques des différents minéraux (entropie, volume et enthalpie), on peut calculer la pente de ces réactions et leurs positions précises dans l'espace PT :
Il est encore possible de dessiner 2 triangles supplémentaires :
Ces triangles 5 et 6 sont séparés par la réaction 1 : opx+sill=sp+q ; entre les triangles 3 et 5, on définit la réaction 2 : spr=opx+sill+sp et entre les triangles 4 et 6, on définit la réaction 3 : spr=sp+q. Remarquons que les triangles 3, 4, 5 et 6 ne font pas intervenir la cordiérite. Les 3 réactions ci-dessus et la réaction 4 : spr+q=opx+sill (entre les triangles 4 et 3) s'intersectent pour définir un point invariant [crd] sur le diagramme PT ci-dessus. Les 4 réactions autour de ce point invariant sont les réactions 1 : (spr), 2 : (q), 3 : (opx, sill) et 4 : (sp). Notons que la réaction (sp) autour du point invariant [crd] est identique à la réaction (crd) autour du point invariant [sp] : cette réaction sert à relier les 2 points invariants [crd] et [sp] sur le diagramme P-T.
Les photos ci-dessous ne montrent pas de paragenèses (=équilibres divariants), mais des assemblages en déséquilibre témoignant du passage d'une zone métamorphique à l'autre. A l'aide de la grille pétrogénétique que nous avons élaborée précédemment, nous pouvons tracer une portion du trajet PT(t) indiquée par ces assemblages.
La photo de gauche montre de beaux cristaux de saphirine bleu sombre pléochroïque séparés du quartz par une couronne d'orthopyroxène rose et de sillimanite incolore. Cette texture indique que la couronne s'est formée à partir de la saphirine et du quartz, par le biais de la réaction (crd) : spr +q = opx+sill. Cette roche, formée à très hautes températures, s'est refroidie et a franchi cette réaction.
La photo de droite est superbe : elle montre un agrégat de forme losangique de saphirine et cordiérite, contenant une relique de sillimanite, le tout, à l'intérieur d'un orthopyroxène. La forme losangique rappelle la section basale de la sillimanite, encore préservée en relique. On a affaire à à la réaction opx+sill=spr+crd. Dans le diagramme P-T, cette réaction suggère une décompression qui nous permet de compléter le trajet PTt entamé avec la précédente photo.
Mais la grille proposée ici est incomplète, même si elle permet de résoudre les problèmes que nous nous sommes posés. Pour les perfectionnistes, voyons la grille complète avec ses 6 points invariants.
Retour au Cours de Métamorphisme, à la Photothèque ou bien à la première page ?