Remarque : la lecture de cette page (et de la suivante) nécessite une bonne compréhension de la Relation entre la Composition Chimique et la Minéralogie d'une Roche et de la Représentation Graphique des Paragenèses.
Différentes méthodes permettent de construire les grilles pétrogénétiques qui indiquent le domaine de stabilité des différents assemblages minéralogiques. La pétrologie expérimentale permet, bien sur, de « calibrer » les réactions minéralogiques. Cette méthode est longue et il est souhaitable de la coupler avec d'autres méthodes. Les réactions peuvent être calculées en utilisant les données thermodynamiques : enthalpie, volume, entropie. Une dernière méthode (complémentaire des précédentes), géométrique est très efficace pour montrer les relations entre de nombreux assemblages minéralogiques. C'est la méthode de Schreinemakers. Cette méthode géométrique utilise la règle des phases qui lie le nombre de constituants chimiques indépendants et le nombre de minéraux (=phases). Nous allons donc considérer des systèmes en fonction du nombre de constituants chimiques. Mais définissons tout d'abord les constituants chimiques indépendants. Les constituants chimiques indépendants sont les éléments chimiques les plus simples possibles pour représenter l'ensemble de minéraux concernés. Ainsi, si l'on considère un système avec seulement les 3 silicates d'alumine : disthène, sillimanite, andalousite dont les compositions sont identiques (Al2SiO5), le constituant chimique indépendant est Al2SiO5. Par contre, si l'on étudie un système prenant en compte, en plus des 3 minéraux précédents, le quartz et le corindon, dans ce cas, deux constituants seront nécessaires : SiO2 et Al2O3. De même, si l'on rajoute les phases suivantes : aluminium, silicium et oxygène (gaz), les constituants chimiques indépendants d'un tel système seront : O, Si, Al.
Considérons pour commencer un système simple à un seul constituant chimique indépendant.
Système à un constituant chimique
La régle des phases M=C+2-V nous indique qu'un tel système chimique contiendra au maximum 3 minéraux (pour une variance v=0 ; point invariant). Considérons les minéraux : A, B et C. Ces 3 minéraux s'arrangeront 2 à 2 pour définir les lignes univariantes (v=1) qui séparent les équilibres divariants (v=2) à un seul minéral. Les 3 lignes univariantes autour du point invariant ont comme association : A+B, B+C et C+A que l'on écrit aussi A=B, ... Chaque équilibre porte le nom de la phase qui est absente : (A) : B+C, (B) : A+C et (C) : A+B. Dessinons ces 3 lignes autour du point invariant. Traçons la réaction (C) de manière complètement arbitraire (voir fig. 1). On définit une portion stable de la réaction en trait plein et une portion métastable, au-delà du point invariant, en tiret. 2 solutions sont envisageables pour positionner A et B respectivement.
Pour positionner la réaction (A) par rapport à la réaction (C), il faut respecter la règle suivante : la réaction (A) ne peut pas se situer dans le demi-plan délimité par la réaction (C) dans lequel la phase A est stable (demi-plan gris sur la figure).
La position des minéraux C et B par rapport à la ligne (A) respecte également cette règle : la phase C est dans le demi-plan délimité par la réaction (A) ne contenant pas la réaction (C).
La position de la réaction (B) est limitée à l'intersection des demi-plans définis par les réactions (A) et (C) ne contenant pas cette phase (fig.). Le choix entre les 2 solutions est obtenu en calculant, grâce aux paramètres thermodynamiques des minéraux, la pente des réactions.
Un exemple de ce type est donné par l'étude des silicates d'alumine andalousite, disthène et sillimanite avec, nous l'avons vu précédemment, un seul constituant chimique indépendant : AlSi2O5. On peut dessiner le point tripe de ces 3 minéraux.
Système à deux constituants chimiques
Mais passons à l'étape suivante et considérons un système à 2 constituants chimiques. La régle des phases indique un nombre maximum de 4 phases pour un point invariant. Considérons les phases suivantes : muscovite (musc), sillimanite (sill), feldspath potassique (Fk) et magma (L) : le système étudié se situe à la limite du domaine des roches métamorphiques et de celui des roches magmatiques, le domaine de l'anatexie. Le système chimique binaire pris en considération est K2O – Al2O3. Pourtant, celui-ci ne suffit pas compte tenu de la composition chimique des minéraux. SiO2 et H2O sont également nécessaires. Dans ce cas, ce sont 4 éléments chimiques qui interviennent dans ce système, nécessitant 2 minéraux supplémentaires. Ceux-ci nous amènent à définir des éléments dits en excès. On considère que SiO2 et H2O sont en excès, c'est-à-dire, en quantité toujours suffisante pour permettre la présence de quartz (Q) et vapeur d'eau (V). Si nous considérons que ces deux éléments sont en excès, cela implique que les 2 minéraux Q et V sont toujours présents dans le système minéralogique considéré. Cette notion d'éléments en excès permet de raisonner graphiquement sur un système à 2 constituants chimiques indépendants au lieu de 4.
Le segment ci-dessous montre les relations entre les minéraux et le système chimique considéré.
Il va nous permettre de définir les différentes paragenèses des domaines divariants dans l'espace P-T. (le mamga L est matérialisé par un segment, car sa composition varie). Mais avant tout, il nous permet d'écrire les différents équilibres univariants, c'est-à-dire les réactions (sill), (fk), (musc) et (L), en se souvenant que la réaction (sill) ne fait pas intervenir ce minéral. En supprimant, chacun à leur tour, les minéraux sur le segment, on peut écrire les différentes réactions :
(L) : musc=fk+sill
(sill) : musc + fk = L
(musc) : sill+fk =L
(fk) : musc=L+sill
Remarque : il est possible de calculer les réactions (et les coefficients stoichiometriques) grâce aux compositions chimiques des minéraux et, ainsi, de prendre en compte le quartz et la vapeur d'eau dans ces réactions. Ainsi, ces réactions s'écriront :
(L) : musc +Q =fk+sill +V
(sill) : musc + fk +Q+V = L
(musc) : sill+fk +Q+V =L
(fk) : musc +Q+V =L+sill
On notera au passage, les caractéristiques de ces différentes réactions :
La réaction (L), qui ne fait pas intervenir le magma L, est une réaction métamorphique, appelée parfois sub-solidus. Les réactions (sill) et (musc) sont des réactions de fusion congruente ou eutectique, tandis que la réaction (fk) est une réaction de fusion incongruente ou péritectique, qui produit un magma et un minéral.
On est en mesure de tracer le point invariant impliquant ces équilibres univariants. En respectant la règle des demi-plans énoncée ci-dessus, on obtient la figure ci-dessous :
Comme dans le cas précédent, l'approche géométrique fournit 2 solutions. Grâce aux paramètres thermodynamiques, nous pouvons retenir la solution proposée ici. Nous pouvons tracer les segments Al2O3-K2O (+SiO2+H2O) indiquant les paragenèses dans chaque champ divariant, avec (+q+V). Ainsi, une seule paragenèse est possible dans le champ divariant limité par les réactions (L) et (musc) : sill+fk(+q+V) ; les paragenèses dans le champ divariant limité par les réactions (L) et (sill) sont sill+musc(+q+V) et musc+fk(+q+V) ; les paragenèses dans le champ divariant limité par les réactions (sill) et (fk) sont : sill+musc(+q+V), musc+L(+q+V) et L+fk(+q+V) ; les paragenèses dans le champ divariant limité par les réactions (fk) et (musc) sont : sill+L(+q+V) et L+fk(+q+V).
On peut également tracer, à partir de cette figure, des diagrammes T (ou P) à P constante (ou T constante) en fonction de la composition : des diagrammes de phases classiquement utilisés en magmatologie.
Construisons maintenant une grille dans un système à 3 constituants chimiques et utilisons la pour résoudre un problème pétrologique.
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