De Langeac à la Croix de Boutières

Une traversée NO-SE de Langeac au cirque de Boutières donne un aperçu interessant du volcanisme varié de cette région de Haute Loire.


Carte du volcanisme, simplifié par le GGHL à partir de la carte de J. Mergoil et P. Boivin (1993)*

Cette coupe nous permet d'observer des édifices volcaniques à la morphologie variée, liée d'une part, à la composition chimique et pétrologique différentes des laves et d'autre part à l'interaction avec l'eau.

- A l’ouest, le volcanisme fissural de la chaîne du Devès a émis des coulées étendues et surmontées de cônes de scories basaltiques, âgés de 1 à 3 Ma ; ces cônes sont appelées dans la région les « gardes » ; basaltique, ce magmatisme fluide produit des coulées qui s'épendent largement en plateaux. La rencontre avec l'eau, produisant des maars est relativement limitée.

- Au centre, un magmatisme basaltique se met en place dans le bassin du Puy-en-Velay, formé par de bassins subsidents occupés par des lacs de superficie importante ; il s'en suit un dynamisme hydromagmatique produisant des édifices surtseyens, tel que le puy de Cheyrac, de Polignac, le rocher d'Aiguilhe, le rocher de Corneille au Puy en Velay. Un peu excentré à l'ouest, le volcanisme de la colline St Roch à Langeac est de même nature.

- A l’est, un volcanisme est plus ancien dans le massif du Mézenc et le Meygal. C'est le pays des sucs phonolitiques. Sur des plateaux basaltiques, la lave, plus différencié et plus visqueuse que celle à l'origine des basaltes, forme des dômes typiques.

La couleur brune de l'église St Gal, à Langeac, ainsi que de nombreuses maisons (anciennes) est caractéristique de la roche volcanique extraite de la colline St Roch, au sud de la ville. De nombreuses carrières sont taillées dans la colline et permettent une observation incomparable de cet édifice volcanique.

Dans cette carrière, la roche ocre est très litée, avec un pendage faible vers l'extérieur de l'édifice. Il s'agit d'un tuff palagonitique, formée par altération de la lave lors de la rencontre du magma basaltique avec l'eau du lac de grande dimension qui occupait la région il y a environ 15 millions d'années. Cette roche est produite durant une explosion surtseyenne, lors de la rencontre de l'eau et de la lave. La profondeur du lac ne devait pas dépasser 200 mètres. Au delà, la pression d'eau devient suffisamment importante pour éviter l'explosion et la lave s'épanche sous forme de laves en coussins.

Des blocs de basalte vitreux témoignent d'un refroidissement brutal de la lave au contact de l'eau. On remarque la présence de phénocristaux millimétriques.généralement blanc (=plagioclase ?).

Cette carrière a atteint le coeur du volcan, exposant ainsi sa cheminée. Des panneaux métriques de tuff se sont effondrés dans la cheminée.Les failles d'effondrement au coeur ne sont pas visibles sur cette photo, mais le sont bien sur le terrain. Le sommet de la carrière est souligné par une coulée de basalte qui s'est épanchée lorsque l'édifice volcanique a été émergé.

Les failles sont bien visibles sur les photos rapprochées ci-dessous.

Le pendage opposé des deux failles plonge vers le coeur du volcan

En réalité, il s'agit de la même faille découpée par le dièdre de la carrière.


Cette coupe réalisée par P. Boivin, récapitule les observations faites dans les carrières de la colline St Roch. Le cadre en tirets correspond au panorama de l'édifice de Cheyrac présenté sur la photo ci-dessous (en excluant la coulée basaltique sommitale).


Le puy de Cheyrac, à proximité du Puy en Velay, vu depuis le Sud, depuis la plaine de Rome.

La carte de l'édifice surtseyen du Puy de Cheyrac (Bout, 1960 in Mergoil et Boivin, 1993) montre bien la disposition des couches dont le pendage est généralement dirigé (flèche) vers l'intérieur de l'édifice. La plaine de Rome d'où l'on observe le panorama de la photo précédente, se situe au Sud de cette carte.

L'édifice voisin qui porte la forteresse de Polignac, est moins bien préservé.

Le volcanisme de la chaîne du Devès, essentiellement aérien, montre parfois une interaction avec l'eau, sous la forme de maar, souvent en début d'émission. Sinon, il est représenté par des vastes coulées surmontées de cônes de scories. Ces cônes stromboliens sont parfois riches en enclaves du manteau, tels le Mont Briançon et le Mont Coupet, aux environs de Langeac. Les coulées sont souvent prismées comme à la carrière de la Ringue (GPS : 45.187507°, 3.697398°).

Ces prismes sont extrémement riches en enclaves profondes : croute inférieure et manteau. Leur approche (et leur échantillonnage) est cependant vivement déconseillée dans la carrière en exploitation, sur des parois surmontées par des roches (et prismes) en (dés-)équilibre précaire (voir au sommet de la photo ci-dessus) !

Lorsque ces coulées reposent sur des argiles, celles-ci sont cuites. Plus rarement, ces dernières peuvent être prismées sur moins d'un mètre, comme ici à Marjallat (GPS : 45.150481°, 3.523624°). De section centimétrique au contact de la coulée, ces orgues deviennent décimétriques en dessous.

En dessous du village de Tarreyres (GPS : 44.974683, 3.861578), les petits prismes se répartissent sur plusieurs niveaux.


Cet affleurement spectaculaire se situe au bord de l'ancien parcours du GR700, chemin à l'abandon, au Sud du GR700 actuel.

Notre traversée se termine, dans le Velay oriental, au cirque de Boutières, vu ici depuis le Pas de Boutières.

Ce panorama est dominé par le Mont Mézenc (à gauche) avec ses 1753m d'altitude. Au fond du cirque, on distingue le Suc de Touron et, à sa gauche, le Pic bien rond de Gouleïou. A gauche au premier plan, des tufs palagonitiques suggèrent un épisode surtseyen.

Le volcanisme du Velay oriental se caractérise par des édifices à la morphologie variée, controlée par la viscosité des laves de nature chimique variée. Les plateaux basaltiques sont dominés par les sucs phonolitiques, dômes caractéristiques tel le Gouleïou :


Le Gouleïou encore appelé le "petit Gerbier des Joncs" ou, de manière humoristique et non conventionnelle, "le Chauve au col roulé" est observé ici depuis le suc de Touron. Au loin, les roches de Borée, sont également des dômes phonolitiques.

La lave basaltique fluide s'étale largement et forme des coulées de grande étndue. La lave phonolitique est visqueuse et forme des dômes ou de rares "coulée-dôme" (tel le dôme du Mezenc) à faible extension géographique.


La phonolite est une roche claire dans laquelle on observe des cristaux blancs de feldspath et des baguettes noires de clinopyroxène (l'aegyrine).La néphéline, le feldspathoïde caractéristique de cette roche n'est pas visible à l'oeil nu.

Le magma mantellique à l'origine des basaltes de plateaux a sans doute traversé rapidement la croute jusqu'à la surface. Par contre le magma à l'origine des sucs phonolitiques a sans doute transité dans des chambres magmatiques dans la croute, chambres dans lesquelles le magma s'est différencié pour donner les laves phonolitiques.


Le suc de Sara forme une portion d'anneau ; au loin, à droite : le Mont Gerbier des Joncs au pied duquel la Loire prend sa source.

Le suc de Sara est un gros filon qui dessine une portion d'anneau (="ring dyke"). La roche qui le constitue est une macro-syénite néphélinique, équivalent en profondeur de la phonolite. Le magma n'a pas atteint la surface.

Pour en savoir plus sur le volcanisme du Velay et de l'Ardèche, lire par exemple :
J. Mergoil et P. Boivin (1993) Le Velay. Son volcanisme et les formations associées. Géologie de la France, N° 3 ; 96 p. et une carte hors texte.


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