Histoire pré-éruptive d'un basalte aphyrique de la ride médio-atlantique
François Faure, Pierre Schiano, Christian Nicollet
Laboratoire Magmas et Volcans, Université Blaise Pascal-CNRS
5, rue Kessler - 63 038 Clermont-Ferrand
Les basaltes faiblement cristallisés (aphyriques) des rides médio-océaniques lentes ont été peu étudiés par rapport aux basaltes porphyriques. Ces derniers ont permis de mettre en évidence, à partir de l'étude des textures réactionnelles des plagioclases, des épisodes de différentiation et de mélanges magmatiques. En revanche, on considère généralement que les basaltes aphyriques fournissent peu d'informations, si ce n’est pour documenter les textures de trempe liées à la mise en place de la lave sous l'eau. Cependant, de nouveaux résultats expérimentaux ont montré que les olivines avaient une morphologie qui évoluait en fonction de la vitesse de refroidissement et du degré de surfusion, mais surtout que les cristaux conservaient des traces des épisodes morphologiques antérieurs. Ainsi, à partir de basaltes aphyriques, il est possible de retracer également l'histoire pré-eruptive du magma. L'étude que nous proposons a été effectuée sur un pillow-lava (CH98-DR11) provenant de la campagne MAPCO. Cette roche au verre non altéré, met en évidence 4 générations d'olivines. Si l'on excepte l'épisode dendritique terminal (cristaux en queue d'hirondelle) qui est relié au refroidissement brutal en surface, les trois autres morphologies sont antérieures à l'épisode éruptif. Le premier type correspond à des cristaux automorphes qualifiés de complexe, car sur ces cristaux se greffent des surcroissances. Le deuxième type est représenté par les cristaux creux fermés. Les sections parallèles à (010) montrent des cristaux en sablier dont les extrémités se sont refermées, créant des inclusions vitreuses. Le troisième type dite queue d'hirondelle complexe correspond à des cristaux en queue d'hirondelle lorsqu'ils sont observés dans une section parallèle à (010), dont les extrémités dendritiques montrent des formes de cristaux creux.
Sur ces trois formes particulières se développent des excroissances dendritiques liées au refroidissement rapide lors de la mise en place du pillow-lava. Les différentes morphologies d'olivines ne montrent pas de variation de composition chimique significative (Fo 82-84,6).
Expérimentalement, ces formes peuvent être reproduites selon les protocoles suivants : (1) refroidissement lent (de l'ordre de 1-2°C/h), puis rapide (1000°C/h) et réchauffement du cristal: la morphologie obtenue est celle des cristaux automorphes complexes. (2) Refroidissement rapide, puis réchauffement, ce qui permet la cristallisation de cristaux creux fermés. (3) Si le refroidissement rapide se poursuit plus longtemps que dans le cas 2 (donc jusqu'à une plus basse température), mais toujours suivi d'un épisode de réchauffement final, la forme obtenue est celle d'une queue d'hirondelle complexe.
L'ensemble de ces résultats suggérent que le même liquide a été soumis à des variations brutales de température permettant de cristalliser soit des cristaux dendritiques (queue d'hirondelle complexe), soit des cristaux squelettiques (cristaux creux fermés). Ces différents cristaux ont été ensuite réchauffés. Les cristaux creux fermés peuvent présenter jusqu'à 3 cycles de refroidissement-réchauffement. Ces observations sont interprétées comme le signe d'une convection vigoureuse qui mélange la zone inférieure chaude du liquide avec la zone supérieure froide selon le modèle proposé par Couch et al. (2001). Cela semble cohérent avec les expériences de Donaldson (1976) sur un MORB qui montrent qu'un degré de surfusion de 20°C est suffisant pour cristalliser des dendrites.